Il existe une mince nuance entre “être favorable” et “ne pas être contre”. C’est dans cette marge très étroite que dit vouloir agir une nouvelle association, Makatea-Agir pour la biodiversité, constituée pour l’essentiel de jeunes résidents de l’île, réunis autour de leur président Tahirivairau Mai. L’association s’est présentée à la presse hier matin à la chambre de commerce, d’industrie, des services et des métiers (CCISM), à Papeete, en présence du tavana de l’île, Julien Mai.
“Je salue le réveil d’esprit de ces jeunes. Tahirivairau est mon fils cadet, nous n’en faisons pas mystère”, reconnaît le maire, publiquement favorable au projet d’exploitation minière porté par l’Australien Colin Randall. “Ce projet est une opportunité unique. On ne refera pas l’histoire mais c’est justement l’occasion d’écrire une nouvelle page de l’atoll” dit Julien Mai.
Forcément, la question de la relance de l’exploitation du phosphate, via la société Avenir Makatea, est centrale. L’association ne cherche pas à évacuer le sujet, même si sa position “officielle” reste ambigüe. “Je ne suis pas toujours d’accord avec mon père”, assure Tahirivairau. “Sur la question du phosphate, au sein de l’association, nous ne sommes pas tous d’accord entre nous. En tout cas, nous ne pratiquons pas l’opposition systématique. Ce qui nous différencie, c’est notre ouverture d’esprit.”
Au-delà du dossier phosphate, et quelle qu’en soit l’évolution future, l’association répète que son but est d’abord de “permettre à la jeunesse d’agir pour la protection de l’environnement de Makatea en participant aux différentes actions qui seront menées”. L’idée étant aussi “d’anticiper les éventuels impacts d’une relance de l’exploitation du phosphate”.
Makatea souffre d’un lourd passé, son phosphate a été exploité pendant soixante ans et l’atoll n’a jamais été réhabilité. “La perte de ressources économiques rapide engendrée par la fermeture de l’exploitation a poussé une grande partie de la population à quitter l’île”, souligne l’association.
“Le milieu écologique a été perturbé, avec l’arrivée de nombreuses espèces envahissantes, menaçant directement les ressources protégées et endémiques de l’atoll.”
La création de l’association “résulte de l’éveil des consciences socio-environnementales” des jeunes de l’atoll, dit Tahirivairau Mai. “Ils veulent s’assurer que le développement futur prenne en compte les intérêts de la population mais assure aussi la durabilité des ressources”.
Makatea-Agir pour la biodiversité veut d’abord s’attaquer aux espèces envahissantes comme le faux acacia et replanter des espèces indigènes, comme le fara mauve et le maire.
Et sensibiliser la population pour réduire la propagation des pestes végétales, éviter toute nouvelle introduction, sécuriser les sites de nidification, protéger la forêt primaire.
Makatea bénéficie de paysages et de sites qui peuvent attirer les visiteurs. Il y a des falaises pour l’escalade, des sentiers de randonnée, des grottes, sans oublier l’histoire particulière de l’île. L’association veut développer l’écotourisme et juge indispensable d’aménager certains espaces clés. Elle dit également soutenir le développement durable et envisage de rapatrier certains déchets vers Tahiti. “Nous avons une nappe phréatique à protéger absolument”, intervient Julien Mai. Typiquement le genre de dépenses que serait bien inspiré de prendre en charge Colin Randall, le message est à peine voilé…
Damien Grivois (La Dépêche de Tahiti)